Séance du 29 mars 2024 à La Doua.
Référentes scientifiques : Cécile Lasserre, Marianne Métois
Participants et participantes : Thierry Alboussiere, Maëlis Arnould, Thomas Bodin, Blandine Clozel, Vincent Langlois, Cécile Lasserre, Hervé Leloup, Marianne Métois, Jean-Emmanuel Martelat, Farès Mokhtari, Mattéo Scarponi, Lucie Trocherie
Ces énoncés scientifiques ont initié des recherches de transpositions visuelles et spatiales, qui en sont inspirées sans en être l’illustration. Du fait d’une mise en commun des contenus textuels, les auteurs des énoncés ne sont pas toujours les auteurs des productions graphiques.
Mouvements en profondeur
Rédigé par Cécile Lasserre et Marianne Métois
Nous habitons sur des plaques tectoniques qui forment un puzzle géant à la surface de la Terre, mouvant et en constante évolution. Pourquoi ces plaques bougent-elles en permanence ? Il faut aller chercher une cause profonde, dans le manteau terrestre. Les contrastes de température entre l’intérieur et la surface de la Terre engendrent des mouvements dans le manteau, dits de convection, entrainant les plaques tectoniques avec lui. Des plaques sont ainsi englouties dans le manteau (on parle de subduction), d’autres se mettent en place lentement au niveau de grandes déchirures qu’on appelle des dorsales.
Déformations
Rédigé par Cécile Lasserre et Marianne Métois
Vues de loin, ou plutôt de haut, depuis les satellites, ces plaques peuvent sembler rigides et bougent en bloc les unes par rapport aux autres, très doucement, à des vitesses de quelques millimètres par an ou quelques centimètres par an tout au plus. Si bien que chacune d’entre elles est poussée, ou tirée par ses voisines. Vues de près, ces plaques se déforment à proximité des zones de contact avec les plaques voisines : elles se plissent, s’étirent, se tordent à leurs limites, se déchirent en coulissant l’une par rapport à l’autre. Ce frottement entre deux plaques qui bougent dans des sens ou à des vitesses différentes fait augmenter la pression aux limites et à l’intérieur des plaques. Les roches qui les constituent accommodent cette pression en se déformant comme un élastique, mais quand la pression devient trop forte, et si les roches sont assez froides (comme c’est souvent le cas dans les 15-20 premiers kilomètres sous la surface de la Terre), l’élastique casse. Les réseaux cristallins se brisent et se fracturent, les roches se cassent. Ces fractures forment des zones de fragilité dans la croûte, elles croissent et finissent par se rejoindre. Elles coalescent, formant une faille plus grande ou un réseau de failles, pouvant atteindre plusieurs kilomètres, voire centaines de kilomètres de long. Mais les plaques continuent leur lente dérive, appliquant une augmentation de pression constante qui s’accumule sur ces zones de failles, on parle de contrainte. En profondeur, en dessous des 15-20 kilomètres plus cassants et élastiques sous la surface de la Terre, les contraintes dans les zones de faille sont relâchées de façon lente et continue. Au-dessus, lorsque les contraintes deviennent trop fortes pour être supportées par les matériaux de part et d’autre de la faille, les deux blocs coulissent brutalement en glissant le long du plan de faille. Ils libèrent une quantité d’énergie énorme, accumulée pendant des années, voire des milliers d’années : c’est le tremblement de terre ou le séisme.
Libération des ondes et de l’énergie
Rédigé par Cécile Lasserre et Marianne Métois
Ce glissement brutal lors du séisme s’accompagne de chaleur libérée dans le voisinage direct de la faille. Parfois il est tel que certaines roches fondent au moment du séisme. Mais la majeure partie de cette énergie est libérée sous forme d’ondes sismiques qui se propagent dans toutes les directions à partir du point de rupture, très vite, avec des vitesses de l’ordre du kilomètre par seconde. Ces ondes déforment temporairement le sol, le font trembler. Les ondes P compriment et dilatent la croûte terrestre, ce sont les premières à arriver, on les ressent comme un grand coup dans le dos si on est proche du séisme; de façon plus ténue si on est loin. Les ondes S viennent ensuite et cisaillent le sol. C’est ensuite au tour des ondes de surface, dites de Love et de Rayleigh qui imposent des mouvements de rotation et de cisaillement simultanés qui ne plaisent pas du tout aux bâtiments. Ce sont souvent les plus énergétiques, les plus clairement ressenties. Si le séisme est puissant, les ondes ne vont s’atténuer qu’après avoir fait plusieurs fois le tour de la Terre, et il sera impossible de rester debout à proximité de l’épicentre tant le sol s’est mis à accélérer brutalement. Dans d’autres cas, quand la magnitude du séisme (une façon de quantifier l’énergie libérée par le séisme) est faible, on peut ne pas les ressentir. Une fois les ondes passées, la croûte retourne au repos, elle ne conserve pas de déformation pérenne en elle. En revanche, elle s’est déplacée par rapport aux plaques voisines. De plusieurs centimètres, voire de plusieurs mètres, c’est le déplacement statique.
Aux frontières ou au cœur des plaques
Rédigé par Cécile Lasserre et Marianne Métois
Les plus grands tremblements de terre naissent sur des failles majeures, comme celles observées dans les zones de subduction où une plaque plonge dans le manteau, tandis que sa voisine[M4] reste en surface. Dans ces régions, de larges zones de contact entre ces plaques (plusieurs milliers de kilomètres de long, plusieurs dizaines de kilomètres de profondeur) tentent de résister aux mouvements des plaques et restent bloquées le plus longtemps possible. Mais lorsque survient le séisme, les plaques peuvent alors coulisser librement de plusieurs mètres à dizaines de mètres le long de cette interface, pendant très longtemps (plusieurs secondes et minutes) avant de rencontrer une barrière qui stoppera la propagation de la rupture sismique. Ces mégaséismes peuvent s’accompagner de tsunamis si les plaques coulissent jusqu’en surface et font bouger le fond de la mer.
Loin des frontières de plaques, les séismes se font plus rares, mais ne sont pas totalement absents. L’intérieur des plaques est souvent moins déformé que ses limites, mais il ressent quand même la pression qui s’accumule à ses frontières. L’énergie s’accumule donc aussi, mais la plupart du temps beaucoup plus lentement, de façon souvent plus diffuse. Mais attention, si l’on accumule peu mais longtemps, on peut aussi générer de forts séismes ! Et il existe aussi de grandes failles génératrices de grands séismes loin des frontières de plaques actuelles, comme en plein cœur du plateau tibétain, un héritage de la collision entre les plaques indiennes et eurasiennes débuté il y a plus de 55 millions d’années.
Cycle sismique
Rédigé par Cécile Lasserre et Marianne Métois
On a longtemps imaginé une cyclicité dans le rythme des séismes : des contraintes s’accumulent sur les failles en fonction des vitesses de mouvements relatifs entre les plaques tectoniques et lorsque la résistance de la faille est dépassée, elle glisse lors d’un séisme, et tout recommence, régulièrement.
Cette vision a évolué avec l’accumulation d’observations et de mesures de déformation au travers des failles, sur le terrain et par satellites, confrontées à des modèles en laboratoire ou de simulation numérique. L’on sait aujourd’hui que toutes les contraintes accumulées avant un séisme ne sont pas relâchées lors d’un séisme. Une partie continue d’être relâchée après le séisme (dans les quelques heures, jours, années voire dizaines d’années après le séisme, selon des processus très variés, faisant intervenir les pores dans les roches superficielles ou encore la viscosité du manteau).
La grande découverte des dernières décennies a été celle des séismes dits « lents », correspondant à des glissements s’étalant sur quelques jours, mois, années. Ils peuvent se produire dans la période précédant les grands séismes et libérer une quantité d’énergie parfois similaire à celle des « vrais » séismes. On les dit « asismiques » car ils ne libèrent pas d’onde sismique, ce qu’il leur a permis de passer sous les radars des chercheurs pendant longtemps. Ils peuvent limiter le risque de survenue d’un vrai séisme mais on les soupçonne parfois aussi, au contraire, de déclencher certains grands séismes, en modifiant les contraintes autour « d’aspérités » sur le plan de faille qui déclencheront la rupture. Ainsi, aujourd’hui, notre vision des failles, lorsque l’on zoome dans la zone de failles endommagée, est celle d’une surface rugueuse, faite d’aspérités qui résisteront autant que possible à la rupture (mais finiront par rompre) entourées de zones de glissement lent et continu, dont on cherche à comprendre les interactions dans le temps et l’espace, pour décrypter comment, où, quand se déclenchent et se propagent les séismes.
Effets modulés et séismes non-tectoniques
Rédigé par Cécile Lasserre et Marianne Métois
D’autres phénomènes, hydrologiques, climatiques, ou liés à l’activité humaine par exemple, peuvent aussi moduler la pression sur les roches de la croûte et potentiellement générer des séismes. Le remplissage d’une nappe phréatique peut ainsi faire gonfler les roches, augmenter la pression du fluide qui circule dans les réseaux poreux par exemple. Au contraire, l’érosion lente des chaînes de montagnes va petit à petit décharger la contrainte au centre de la chaîne, tandis que les sédiments déposés dans les bassins périphériques vont peser et augmenter la charge dans ces régions. De même certaines activités humaines liées à l’extraction de ressources naturelles (gaz, pétrole, géothermie) peuvent générer de petites crises sismiques.
Proposition à l’ordinateur
Message de Thomas Bodin
Les petits points suivent des processus statistiques que l’on étudie en sismologie.