OBSERMOTIO

De l’univers

Séance du 2 février 024 à l’Observatoire de Saint-Genis-Laval.
Référent scientifique : Johan Richard
Participants et participantes : Thomas Buchert, Éric Daguisé, Aurélien Jarno, Magali Loupias, Jean-Emmanuel Migniau, Béaba Okio Dauvilliers, Laure Piqueras, Alban Rémillieux, Johan Richard, Antoine Rigaud et Lucie Trocherie


Ces énoncés scientifiques ont initié des recherches de transpositions visuelles et spatiales, qui en sont inspirées sans en être l’illustration. Du fait d’une mise en commun des contenus textuels, les auteurs des énoncés ne sont pas toujours les auteurs des productions graphiques.


Organisation de l’OSU

Proposition de Béaba Okio Dauvilliers


Les modèles cosmologiques

Thomas Buchert

En astrophysique, l’interprétation des observations s’appuie sur un modèle théorique. Plusieurs modèles cosmologiques ont été proposés, avec notamment des conceptions différentes du temps et de la notion même d’origine. Ci-après, quelques-unes de ces approches.

– Selon le « modèle standard » (fondé notamment sur une solution simple de la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein), actuellement le plus répandu, la matière de l’Univers est considérée comme homogène à très grande échelle, avec une distribution égale des galaxies, quelle que soit la direction dans laquelle on observe (isotropie). L’écart entre les résultats et les observations implique de postuler l’existence de la matière noire et de l’énergie noire pour 96% de sources gravitationnelles de l’Univers.

– Pour Thomas Buchert, le modèle standard idéalise le comportement global de l’Univers en le considérant comme homogène sur toutes les échelles, et en s’appuyant sur le principe d’une géométrie plate, i.e. avec une courbure nulle, et infinie. 

En prenant en compte les inhomogénéités dans la relativité générale d’Einstein, un autre modèle pourrait intégrer les effets liés à la courbure de l’Univers et la distribution inhomogène des galaxies observées (par calcul de moyennes des structures et non par idéalisation approximative). 

Suivant Einstein, on ne peut pas aborder ces objets au sein d’une géométrie fixe – comme un cube – contenant des structures qui évoluent (modèle d’Isaac Newton) ; la géométrie du modèle doit être aussi inhomogène et dynamique et changer avec les structures.

Dans la relativité générale, l’espace est en évolution, mais il n’y a pas de temps global : le temps dépend de la matière, il est en général local (lorsqu’il y a une pression, le temps est plus rapide ; lorsqu’une période de temps n’est pas “remplie” – par exemple lorsqu’on attend un bus –, le temps devient plus long). Et lorsque l’on bouge, il est encore plus complexe. Le champ gravitationnel de la courbure n’est pas dans l’espace, il est l’espace-temps ; de fait, quand on crée un champ gravitationnel, on change l’espace-temps

L’Univers est composé de très petits volumes (étoiles, planètes…) et pour une très grande part de vide, qui selon Einstein impliquent respectivement une courbure positive (à l’échelle locale des petites structures) et une courbure négative (pour le vide à l’échelle globale). Or, les courbures ont un rôle dans l’énergie, et la distribution de la matière et du vide pourrait faire varier la vitesse d’expansion.

Les objets dans la réalité montrent la dominance d’une courbure positive (par exemple la Terre est ronde), mais on trouve la dominance d’une courbure négative dans l’Univers en raison de la dominance des vides. Parfois, les grands rêves sont hyperboliques : imaginons que dans un rêve les murs s’étendent, et que des trous dedans permettent d’y circuler… De fait, la topologie en est changée. La topologie règne la géométrie et joue un rôle majeur pour les connexions des structures. Prendre en compte les courbures et leur rôle sur l’énergie amène à des résultats qui éventuellement ne requièrent pas de concevoir d’énergie noire ni de matière noire pour expliquer la dynamique d’expansion cosmologique. 

– Du point de vue quotidien, le temps semble être réel, mais il est imaginaire dans la théorie de la relativité : une croissance exponentielle du temps devient un cercle ; un trajet accéléré devient hyperbolique. Plutôt qu’un deroulé chronologique depuis des origines (avec un Big Bang et une inflation), Einstein pensait un Univers éternel (qui ne dépendrait pas du temps), avec l’hypothèse d’une « constante cosmologique » (qui travaille contre la gravitation pour équilibrer la répartition de la densité de matière dans l’Univers). Son modèle est statique sur toutes les échelles, mais les observations ont montré une expansion de l’espace autour de nous, ce qui l’a conduit à abandonner son modèle. 

Georges Lemaître a ensuite proposé des solutions en partant de cette « constante cosmologique » mais pour un Univers en expansion, ce qui devenait désormais le modèle standard. 

– Arthur Stanley Eddington propose aussi de poursuivre le modèle d’Einstein, ajoutant que l’équilibre pouvait être faiblement perturbé à un moment donné ; il a ainsi démontré l’expansion, mais sans le Big bang initial (à la différence de la théorie de Lemaître). « Il est possible que la vitesse d’éloignement des spirales [galaxies] ne soit pas l’expansion prédite théoriquement ; elle pourrait n’être qu’une expansion locale masquant une expansion cosmique véritable beaucoup plus faible ; mais la tentation d’identifier l’expansion observée et prédite est très forte ». L’expansion pourrait n’être que régionale, au sein d’observations, mais non globale dans la théorie physique. Donc, un autre modèle inhomogène peut être envisagé, avec des oscillations entre des états plus ou moins denses, des variations seulement par région et non dans la totalité. Selon ce modèle, l’espace est globalement sphérique, fini et sans bord, comme l’espace du modèle d’Einstein mais avec des grands vides et éventuellement des singularités (les trous noirs) ; puis hyperbolique, avec des cornes de volume fini qui tendent vers l’infini. L’Univers ressemblerait dans sa topologie à un hérisson.

Ainsi sur les très grandes échelles, Einstein pourrait avoir raison sur un univers éternel, statique ; mais sur de petites échelles, régionalement, le modèle peut être en expansion. Pour cela il faut généraliser les modèles, notamment prendre en compte que l’Univers est inhomogène. Les observations des galaxies à haute redshift (décalage vers le rouge des spectres) pourraient éclaircir ces idées.


Du Big Bang à l’expansion

D’après un entretien avec Guillaume Laibe au sujet de la création musicale Astro-symphonie

On associe souvent le Big Bang à une explosion géante à un temps zéro. Mais cette image apporte plus de confusion que d’explication. Initialement, l’univers est plein de lumière, et donc plein d’énergie et il s’étend. Comme un gaz que l’on détend dans un aérosol, il se refroidit. Quand cela se refroidit, il se passe deux choses : 

  • Premièrement, les constituants de la matière ont tendance à se mettre ensemble. Par exemple, lorsque de la vapeur d’eau, montant d’une casserole, entre en contact avec une vitre froide, des gouttes d’eau se forment et se rassemblent. 
  • Deuxièmement, en se refroidissant, l’univers créé de l’hydrogène et de l’hélium et il s’étend, car la lumière est une vibration électro-magnétique perçue par l’œil : si l’univers s’étend, la longueur de la vibration s’étend aussi, et l’œil ne parvient plus à la percevoir. Le Big bang, c’est l’univers qui s’étend, qui se refroidit et qui s’éteint. L’hydrogène et l’hélium sont formés par condensation, et ces constituants commencent à se rapprocher et à s’agréger les uns aux autres, jusqu’à former des étoiles qui vont « rallumer » l’univers dans le champ du visible. C’est une deuxième génération de lumière.

Dans la création musicale Astro-symphonie d’Oeuf Big Band (2023), dont je suis l’initiateur et où j’interviens par des sessions de conférences, le compositeur Pierre Baldy-Moulinier a inventé des moyens de traduire ce moment. J’y explique d’abord pourquoi quand il y a de la lumière cela s’étend, puis pourquoi quand cela s’étend cela se refroidit, et pourquoi quand il fait froid, cela se condense. Dans le mouvement musical, une première partie donne à entendre des sons à énergie qui sont couplés ; cela se poursuit avec moins d’énergie mais des bribes mélodiques commencent à se mettre en place puis à se développer ; jusqu’à une extinction progressive du volume de la musique.

Là, je reprends la parole sur la création de molécules, l’hydrogène et l’hélium, qui entrent en combinaison pour former des étoiles, ce qui produit de nouveau de la lumière dans l’univers. Puis, on va entendre une mélodie se développer pour traduire cette deuxième illumination. Et le point fondamental, c’est que, depuis le début, sous cette mélodie, un son continu est joué mais non encore audible, il est en quelque sorte sous-jacent : c’est une note de “sol”, qui prend la signification de témoin de la lumière originelle qui a fait se dilater l’univers… Une lumière (la première) sous la lumière (seconde). Cette lumière primordiale est toujours visible et nous a permis de former l’image du fond diffus cosmologique, qui atteste du Big Bang.

On sait que l’univers s’est étendu, jusqu’à un certain point ; la physique ne nous permet pas, à l’heure actuelle, d’expliquer ce qu’il se passe avant. De fait, les premières secondes du mouvement ont été laissées à l’imagination du compositeur.


Fond diffus cosmologique

D’après un entretien avec Johan Richard

Dans un premier temps, la lumière était en quelque sorte prisonnière de la matière : tout était tellement dense, resserré, que les particules de lumière ne pouvaient pas s’en échapper… impossible de détecter le moindre photon provenant de cette époque… 

Puis, 380 000 ans après le Big Bang, par l’expansion de l’univers, les éléments de matière se sont écartés et les photons de lumière sont sortis, tout d’un coup et partout en même temps. Ce rayonnement de lumière a permis la toute première image de l’univers : le fond diffus cosmologique. 

Sur ce fond diffus cosmologique, on observe une lumière quasi-uniforme dans toutes les directions, avec seulement de très légères fluctuations. La température globale de l’univers est d’alors environ 3000 degrés, et les variations sont de l’ordre du demi degré. Les zones un peu plus chaudes seraient celles contenant un peu plus de matière… qui, comme des graines, auraient ensuite permis aux galaxies d’apparaître.


Matière noire et énergie sombre

D’après un entretien avec Emmanuel Pécontal

L’expansion de l’univers n’est pas constante, et on sait depuis 1999 que l’expansion de l’univers s’accélère (à différencier de l’inflation, au tout début du Big Bang, qui était extrêmement rapide), sans en connaître la raison. Intuitivement, nous aurions pu imaginer que l’expansion était constante ou se ralentissait jusqu’à se rétracter. 

Nous en déduisons qu’il pourrait exister un champ énergétique échappant pour l’instant à notre observation directe. Le contenu en masse et en énergie de l’univers serait pour l’essentiel inconnu : la matière noire ou sombre, et l’énergie noire ou sombre, qui aurait un rôle accélérateur dans l’expansion.

Selon nos hypothèses actuelles, la matière noire n’émettrait pas de lumière, serait insensible à la force électromagnétique, et ne se refroidirait pas, à la différence de la matière connue. Quand la matière visible se concentre, la force électromagnétique l’empêche de s’effondrer, la matière résiste et chauffe, se met à rayonner, son énergie se dissipe. N’étant pas retenue par la pression, la matière noire s’effondrerait sans perdre d’énergie. Comme elle serait majoritaire, elle dominerait la structuration de l’univers, et la matière visible suivrait les structures orientées par la matière noire. En effet, la matière noire n’interagirait pas par électromagnétisme, mais serait sensible à la gravité, et son champ de gravité étant largement dominant dans l’Univers, c’est elle qui façonnerait la structure de la matière connue.


Part d’inconnu

D’après un entretien avec Bruno Guiderdoni

A partir des lois physiques connues, intégrées dans les modèles de calcul, on s’aperçoit que des éléments manquent. Dès lors, l’univers ne serait pas seulement composé de la matière dite normale, constituée d’atomes, les protons, les neutrons, les électrons… ; on suppose qu’il existe une autre matière, beaucoup plus abondante, qui se manifeste par ses effets gravitationnels, mais que l’on ne voit pas au sens où elle n’émet pas de lumière, et que l’on appelle “la matière noire”. On voit par exemple que les étoiles et les galaxies ont des mouvements plus rapides que ce qu’ils devraient être au regard des lois physiques telles que nous les connaissons. Et l’on s’est aperçu qu’il existerait aussi de l’énergie noire. Alors que la matière noire, avec des effets gravitationnels, freine l’expansion, l’énergie noire, au contraire, l’accélère, voire la produit. Si on suppose que la matière noire pourrait être composée de particules, nous ne savons aucunement de quoi relèverait l’énergie noire. Il manque donc des éléments à nos lois de la physique pour comprendre l’évolution de l’univers.

Les deux fondements de l’astrophysique actuelle, la théorie quantique des champs d’un côté (dans l’infiniment petit) et la relativité générale d’Einstein de l’autre (dans l’infiniment grand), ne sont pas compatibles. Cela fait un siècle que l’on essaie de montrer, sans y parvenir, que l’une ou l’autre de ces théories serait invalide. Il y a par conséquent un domaine où, probablement, ces deux grandes théories interagissent l’une avec l’autre ; et il faudrait trouver une théorie plus globale qui puisse englober les deux et permettre leur coexistence. Et peut-être cette théorie unique permettrait-elle aussi d’expliquer la matière noire et l’énergie noire. C’est un enjeu des prochaines décennies, et cela fait déjà des décennies que nous recherchons la matière noire. Sans savoir si l’on trouvera un jour une réponse à nos questions. Les lois physiques dont nous disposons ne sont pas suffisantes pour rendre compte d’explications de toutes les observations de l’univers. Il faudrait des indices, des indications, pour avancer sur une piste en ce sens. Le processus de la recherche est sans fin. Lorsque nous aurons les réponses à des questions, d’autres questions vont apparaître. C’est inhérent au réel, selon notre situation dans le monde, que de ne pouvoir le connaître totalement : le réel est plus large que notre savoir, et cela est en soi une connaissance très précieuse. C’est aussi le propre de la connaissance scientifique, que chacun mette une brique sur les briques précédentes : on construit un édifice, mais on n’était pas là au départ et on ne sera pas là pour la couche du dessus avec les briques à venir.


Recherche en astronomie

Proposition d’Éric Daguisé

On est dans la barque qui essaie de remonter les méandres de la Voie lactée des connaissances pour répondre à nos questions, même si l’on tourne un peu en rond, avec des découvertes et des galères aussi… d’où l’image du bateau.


Points de vue

Proposition de Jean-Emmanuel Migniau

L’énergie la plus massive se trouve au centre et attire ce qui l’entoure selon ses propriétés physiques. Le fait de le voir selon trois positions et distances, amène le mouvement qui met aussi le regardeur dans un état de mouvement.


Lentilles gravitationnelles

Proposition de Jean-Emmanuel Migniau


Spectroscope 3D

Proposition d’Alban Rémillieux

Le spectrographe 3D collecte la lumière du ciel et la découpe, la réarrange, à l’aide de centaine de miroirs positionnés très précisément dans l’espace. Le champ de vue du télescope est transformé en fait à l’entrée de spectrographes qui dispersent ensuite la lumière. / Une des huit barrettes de miroirs pupille de HARMONI / ELT.


Télescopes

Proposition de Magali Loupias

Les télescopes sont appelés des entonnoirs à lumière. Le premier élément terrestre rencontré par la lumière céleste est une ouverture circulaire, le miroir primaire du télescope, la pupille optique. Lors de la conception optique en astronomie, la conservation de cette pupille est un paramètre critique. « Il ne faut pas vignetter la pupille ! » Les diaphragmes, les trous d’épingle (pinhole) sont des objets omniprésents dans le travail d’instrumentation. Notre objectif est la fonction d’étalement de point ; Elle est détériorée par des spectres variables dans le temps.


Reconstruction

Proposition de Laure Piqueras

Pour élaborer l’instrument, nous analysons des images de masques remplis de « trous d’épingle ». Chaque image de trou est découpée par le découpeur d’image en bandes. La reconstruction n’est jamais parfaite. En fait, nous n’analysons pas des images en 2D mais en 3D, avec une troisième dimension spectrale. Le sourire représente le spectre : des images 2D du trou pour chaque longueur d’onde côté à côté.