OBSERMOTIO

Des galaxies et des étoiles

Séance du 29 janvier 2024 à l’ENS Lyon (site Monod).
Référents scientifiques : Guillaume Laibe et Gérard Massacrier
Participants et participantes : Thomas Buchert, Guillaume Laibe, Yona Lapeyre, Romain Lenoble, Gérard Massacrier, Benedetta Veronesi et Ziyan Xu


Ces énoncés scientifiques ont initié des recherches de transpositions visuelles et spatiales, qui en sont inspirées sans en être l’illustration. Du fait d’une mise en commun des contenus textuels, les auteurs des énoncés ne sont pas toujours les auteurs des productions graphiques.


Gravité et microphysique

Rédigé par Gérard Massacrier

Le principal moteur de l’évolution de l’Univers à grande échelle est la gravité : les masses s’attirent entre elles. Ainsi, la pomme de Newton tombe au sol, attirée par la Terre. La Lune “tombe” autour de la Terre, la Terre autour du Soleil. De même à plus grande échelle, la gravité explique l’effondrement d’immenses nuages de gaz conduisant à la formation des étoiles, le ballet de ces étoiles dans les galaxies, et le regroupement des galaxies en amas ou superamas.

Mais quels principes déterminent précisément les caractéristiques d’une étoile suite à l’effondrement d’un nuage interstellaire ? ou son évolution ultérieure ? De manière fascinante, ce sont les lois régissant la physique à l’autre extrême des échelles, soit l’infiniment petit.

À cette échelle, les formes de la matière résultent d’un agencement de plus en plus complexe de briques élémentaires. Les quarks forment les nucléons (neutron, proton…); les nucléons s’assemblent en noyaux (hydrogène, hélium…); combinés avec les électrons, ces noyaux deviennent des atomes; plusieurs atomes formeront des molécules (simples comme celle de l’eau, H20, ou complexes comme l’ADN); enfin ces molécules et atomes peuvent s’agréger pour former des liquides, des poussières, des solides (roches),… ou des plantes !

Le passage de l’une à l’autre de ces formes s’accompagne d’échanges d’énergie. Grossièrement, chaque combinaison de briques en libère une certaine quantité, par exemple sous forme de lumière. Inversement, en apportant de l’énergie (en chauffant), on remonte la chaîne ci-dessus. Un solide fond, un liquide bout, les molécules se dissocient en atomes… Et il faut l’énergie des plus grands accélérateurs du CERN pour s’attaquer aux nucléons.

Tout l’art de l’astrophysique est de combiner dans le détail les effets de la gravité avec cette microphysique.

Par exemple, lors de l’effondrement d’un nuage interstellaire, la vitesse de chute se transforme en échauffement, et concomitamment la pression augmente. Sans autre processus, cette pression empêcherait la formation d’un cœur suffisamment dense pour qu’une étoile s’allume. C’est la dissociation des molécules du nuage en atomes qui, en absorbant une part de l’énergie, limite l’échauffement et permet à une étoile de naître.


Formation des galaxies

D’après un entretien avec Johan Richard

Lorsque les particules de matière (sous forme de gaz) ont commencé à s’écarter les unes des autres et que les photons de lumière se sont échappés, l’univers n’était pas encore structuré en galaxies. Peu à peu, la formation des galaxies s’est produite mais de manière désordonnée, sans symétrie : du gaz tombait en tournoyant, formant des amas d’étoiles épars…. 

A un stade jeune, les galaxies étaient très petites et avaient des aspects très variés, comme des formes grumeleuses, irrégulières, agitées de leurs étoiles en formation. Par endroits, certaines de ces étoiles étaient regroupées, mais il n’y avait pas encore de symétrie d’ensemble, les galaxies n’étaient pas encore composées d’un centre plus brillant. Et si on regarde les vitesses, il n’y avait pas encore de rotation cohérente, c’était turbulent.

C’est plus tard que la matière s’est peu à peu organisée, jusqu’à composer des galaxies bien structurées, avec un centre plus dense en étoiles et une lumière s’atténuant vers l’extérieur, sous la forme de bras spiraux ou de disques, avec éventuellement une barre d’étoiles traversant le centre…

En observant l’intérieur des galaxies, à première vue, on a l’impression de nuages, mais en fait ce sont des ensembles d’étoiles très proches les unes des autres. Ce qui définit la galaxie, c’est que les étoiles y sont concentrées Il faut zoomer, zoomer, pour s’en rendre compte. Il y a un peu de poussières, ce sont les tâches noires sur cette image. Mais tout ce qui n’est pas tâches noires, ce sont les étoiles. Parfois, on observe un ensemble d’étoiles brillant fortement dans une même zone, comme un phare visible de loin, cela forme un mini-système, que l’on nomme « univers-île ».

Lorsque l’univers était plus dense, les galaxies étaient d’abord très proches les unes des autres et étaient amenées à se rencontrer davantage. Puis, dans l’univers en expansion, les galaxies se sont soit regroupées pour composer des amas de galaxies, soit isolées, s’éloignant de plus en plus les unes des autres. 

Complément rédigé par Yona Lapeyre

L’alignement intrinsèque des galaxies (la tendance de leur axe principal à s’aligner avec celui des galaxies environnantes, ou le milieu environnant, c’est-à-dire le champ de matière locale) est encore mal compris aujourd’hui. En particulier, on ne sait pas comment cet alignement évolue avec le temps, depuis la formation des galaxies : une galaxie grade-t-elle toute sa vie la même « direction » ?


Évolution des galaxies

D’après un entretien avec Johan Richard

Les galaxies se développent selon deux mécanismes principaux. Elles peuvent récupérer plus de gaz, former de nouvelles étoiles, et ainsi grossir par elles-mêmes. Ou bien, parfois, elles peuvent se rencontrer et opérer des fusions de galaxies : on voit deux galaxies en train de se mélanger et produire une autre galaxie, plus grosse, avec une forme différente. Dans certains cas, les galaxies semblent ainsi se tenir par les bras, et on modélise des simulations qui montrent leur mouvement, comme une danse, un ballet de galaxies. On arrive à reconstruire une histoire, pas exactement l’histoire d’une galaxie donnée, mais on voit en même temps des galaxies à différents âges, comme des fossiles. A la fin, cette fusion forme une seule galaxie qui est comme une grosse boule et qui laisse des résidus derrière elle : des « queues de marée », des effets gravitationnels.

Logiquement, avec l’expansion de la matière, on voit de moins en moins de transformations de galaxies. Elles devraient s’arrêter de former des étoiles et donc cesser de grossir. L’univers était beaucoup plus actif avant et il devient de plus en plus calme


De la formation à la mort des étoiles

D’après un entretien avec Johan Richard

L’univers est constitué en grande partie de gaz d’hydrogène à l’état de plasma. Les galaxies naissent peu à peu dans une sorte de brouillard, en récupérant le gaz environnant, en creusant dans la matière de l’univers pour former leurs étoiles. Une étoile se crée lorsque du gaz s’effondre sous l’effet de sa gravité et se contracte en un noyau. Du fait de la densité, en compression, celui-ci devient de plus en plus chaud, jusqu’à générer des réactions de fusion nucléaire, énergie qui produit de la lumière.

L’étoile consomme le gaz d’hydrogène, son matériau d’origine, et le transforme en hélium majoritairement, et éventuellement en un peu de carbone, d’azote et d’autres éléments qu’on appelle les éléments lourds ou les « métaux ». La complexité est donc croissante : il n’y avait d’abord que de l’hydrogène et de l’hélium, et ce sont les étoiles qui ont fabriqué le carbone, l’azote, l’oxygène (ce avec quoi nous sommes principalement fabriqués), et toutes les autres composantes chimiques (fer, uranium…). 

En « mourant », les étoiles éjectent leurs composantes et répandent autour d’elles tous les matériaux qu’elles ont produits. Leur luminosité augmente fortement à ce moment. On nomme une explosion d’étoile une « supernova ». Ses composantes se redistribuent dans une nébuleuse de gaz, qui va enrichir le milieu interstellaire et créer des conditions favorisant la création de nouvelles étoiles dans ces régions que l’on nomme « pouponnières d’étoiles ». Et cette fois-ci, ces nouvelles étoiles ont des impuretés : de l’azote, du carbone, de l’oxygène…

Par exemple, quand notre étoile, le Soleil, est née, il y avait déjà du carbone, du silicium, etc. ; il y avait donc certainement eu plusieurs générations d’étoiles avant, qui en finissant leur vie, ont “pollué” le milieu environnant. Le soleil a commencé avec une très grande majorité d’hydrogène, un peu moins d’hélium, et une quantité très faible d’azote, de carbone, d’oxygène. Plus de 99% du matériau de l’univers, c’est de l’hydrogène et de l’hélium. Nous sommes fabriqués à partir de matériaux qui sont exceptionnels dans l’univers.


Étoiles variables

D’après un entretien avec Emmanuel Pécontal

A la fin du XIXe siècle, l’Observatoire de Lyon s’est spécialisé dans l’étude des étoiles variables. A la différence de la plupart des étoiles qui ont une luminosité constante, certains types d’étoiles ont une luminosité qui varie dans le temps, de façon périodique ou non. A l’époque, fin du XIXe siècle, les chercheurs ne connaissaient pas la cause des étoiles variables et ont engagé un grand travail de catalogage de ces étoiles, selon leur type de variabilité, les paramètres de cette variation, etc. Maintenant, nous savons qu’il s’agit d’étoiles à la phase de leur naissance, avant d’atteindre une stabilité, ou d’étoiles à leur mort, quand elles quittent leur période stable. La période de variabilité peut durer quelques jours ou quelques mois ; et la phase variable de la vie d’une étoile est beaucoup plus longue.

Cette thématique a amené les chercheurs à développer des techniques de photométrie pour mesurer la lumière, ce qui a trouvé des applications plus étendues : notamment la découverte des autres planètes (exoplanètes) qui tournent autour d’autres étoiles, et qui au moment de passer devant en masquent partiellement le flux de lumière. 

Également, les étoiles aux cycles les plus réguliers s’appellent les binaires à éclipse : les étoiles doubles, lorsqu’une passe devant l’autre, elle en absorbe la lumière, et vice-versa, ce qui crée des courbes de lumière à deux pics. 

D’autres étoiles, les céphéides, ont des pulsations de lumière assez régulières, et une de leurs propriétés (identifiée par Henrietta Swan Leavitt) est que plus elles sont brillantes, plus elles varient lentement ; en mesurant le rythme de leurs variations, cela permet de déduire la luminosité intrinsèque d’une étoile, et de comparer celle-ci à la brillance perçue depuis la Terre, et c’est devenu de fait un indicateur de distance, déterminant notamment dans la découverte de l’expansion de l’univers. Les premières mesures de distance d’astres lointains ont été pensées grâce à ces études sur les étoiles variables. Certaines étoiles que l’on croyait être dans notre galaxie, à quelques dizaines de milliers d’années-lumière, se sont ainsi avérées appartenir à d’autres galaxies plus éloignées, à quelques millions d’années-lumière. Ces étoiles particulières sont devenues un marqueur de distance universel. A ce moment, l’univers a pris, dans les représentations, une profondeur gigantesque, que l’on n’imaginait pas avant. Ce sont les étoiles variables céphéides qui ont permis à Hubble de découvrir que l’univers était en expansion.


Supernovæ

D’après un entretien avec Emmanuel Pécontal

Il y a deux types de supernovæ : 

– Les étoiles très massives, dont le cœur fusionne, et dont les réactions de fusion peuvent fabriquer des éléments de plus en plus lourds jusqu’au noyau de fer ; mais le fer étant stable, le noyau ne peut plus fusionner et s’effondre, et la couche extérieure s’effondre sur elle et explose ; l’explosion a lieu en un temps très rapide.

– Les autres étoiles en fin de vie, nommées naines blanches : il n’y a plus de réaction thermonucléaire au centre, l’étoile est très dense, elle ne fabrique plus d’énergie et finit de se refroidir (son refroidissement peut durer des milliards d’années). Si elles dépassent une certaine masse (1,4 fois la masse du Soleil), ces étoiles explosent et deviennent des supernovæ. Comment une étoile peut-elle parvenir à une telle masse ? Il arrive souvent que les étoiles soient doubles : deux étoiles tournent autour de l’autre, et si l’une des deux est déjà devenue naine blanche, et si l’autre devient géante rouge (avant de devenir naine blanche), avec un gonflement qui fait que des éléments de sa matière se déposent sur l’autre étoile, alors la masse de celle-ci va augmenter et peut aller jusqu’à exploser, avec une brillance très forte, visible dans des galaxies très lointaines, et dont l’intensité de lumière (toujours la même, car à la même masse) permet de mesurer la distance. (Leur luminosité étant plus forte que celle des étoiles variables céphéides, les supernovæ permettent de mesurer des distances plus lointaines encore.) Cela a permis de découvrir en 1999 que l’expansion de l’univers était accélérée.

L’explosion est souvent chaotique, très turbulente, isotrope ou non (c’est-à-dire orientée dans une direction ou dans toutes les directions). Ensuite, le résidu de supernova apparaît comme une nébuleuse très irrégulière. Se dispersent les éléments (métaux lourds) que l’étoile a fabriqués, et qui permettront à d’autres étoiles et à des planètes de se former.


Trous noirs

D’après un entretien avec Emmanuel Pécontal

Au cœur des galaxies, les trous noirs émettent une très grande énergie, mais on ne peut voir ce qui les compose. A son approche, les étoiles sont capturées, tombent en lui, se disloquent et forment un disque qui lui-même rayonne très fortement de l’énergie.

Recto-verso

Précision de Ziyan Xu

Évocation de la distorsion spatiale du trou noir.