Séance du 23 février 2024 à la Doua.
Référent et référente scientifiques : Stéphanie Durand et Jean-Philippe Périllat
Participants et participantes : Maëlis Arnould et Matteo, Simon Andrieu, Alex Bisch, Cécile Bourquin, Stéphanie Durand, Guillaume Gallien, Marine Joulaud, Mickaël Lheritier et Jean-Philippe Périllat
Ces énoncés scientifiques ont initié des recherches de transpositions visuelles et spatiales, qui en sont inspirées sans en être l’illustration. Du fait d’une mise en commun des contenus textuels, les auteurs des énoncés ne sont pas toujours les auteurs des productions graphiques.
Formation des planètes
D’après un entretien avec Jean-François Gonzalez
Les étoiles se forment à partir de nuages de gaz et de poussières. Et pour étudier les premières étapes de la formation des planètes, la recherche s’intéresse à ce qu’il y a autour des protoétoiles ou jeunes étoiles : le disque où la matière s’est aplatie. Cette matière est composée de gaz et de grains de poussière, de très petits grains initialement. Comment ces grains de poussière évoluent-ils jusqu’à former des corps plus gros, que sont les planètes ? Entre ces deux extrêmes, nous discernons plusieurs étapes.
Ce que l’on connaît bien aujourd’hui, c’est le début de ce processus : d’abord distants, les très petits grains se rapprochent jusqu’à fusionner. Ils se collent très facilement entre eux, jusqu’à constituer des grains avec des tailles de l’ordre du centimètre ou du décimètre, tel des cailloux… Ils s’agglomèrent facilement du fait de forces de contact, électrostatiques, très efficaces. Et s’ils sont très poreux dans un premier temps, ils deviennent de plus en plus compacts à force de collisions.
Une autre étape bien connue : à une autre échelle, celle des planétésimaux qui ont atteint une grosseur de l’ordre du kilomètre, mais qui ne sont pas encore des planètes (comme les astéroïdes). A partir de cette échelle, la gravité des objets devient importante. Par cette force d’attraction, les objets continuent de s’agglomérer entre eux. Il y a aussi des collisions destructrices, mais globalement l’effet est surtout la croissance de la masse des corps fusionnant entre eux… jusqu’à former des planètes.
Le point le plus complexe à comprendre aujourd’hui, et sur lequel les recherches se focalisent, c’est l’étape intermédiaire : le passage de cailloux de quelques centimètres aux planétésimaux kilométriques. La difficulté tient à plusieurs raisons. On appelle « barrières des formations planétaires » les phénomènes physiques qui viennent complexifier le processus. Ce n’est pas que les lois se modifient, c’est que les grandeurs deviennent suffisamment importantes pour devenir bloquantes. Plusieurs exemples…
1/ La barrière de la dérive radiale (radial : de rayon) : dans le disque, les grains de poussière tournent certes autour de l’étoile, mais ils se déplacent aussi radialement, en se rapprochant de l’étoile.
Pour le comprendre, il faut savoir, de manière générale, que les grains sont en friction avec le gaz. En effet, les grains de poussière se comportent comme des corps isolés et n’ont pas de pression, contrairement au gaz. La poussière est seulement soumise à la gravité de l’étoile et tourne autour de celle-ci à une vitesse donnée (dite képlérienne), selon la vitesse orbitale typique d’un objet autour d’un autre objet de grande masse. Le gaz, quant à lui, ressent en plus de la pression, et surtout les différences de pression : les régions internes, proches de l’étoile, sont plus denses que les régions externes, plus éloignées ; cette force de pression empêche les particules de gaz de tomber vers l’étoile. La force de pression s’oppose à la force de gravité, elle est plus faible que celle de gravité mais elle va légèrement l’abaisser. C’est donc comme si le gaz ressentait la gravité d’un objet qui était un peu moins massif que ce qu’il est réellement : il se met alors à tourner un peu moins vite que les agglomérats de poussières qui sont au même endroit. Cette différence de vitesse va causer une friction entre les deux.
Or, dans un disque planétaire, il y a environ cent fois plus de masse de gaz que de poussière… c’est donc le gaz, en quantité dominante, qui va en quelque sorte imposer sa loi à la poussière : comme il tourne moins vite, il va aussi ralentir la poussière. La poussière, étant ralentie, se retrouve à tourner autour de l’étoile à une vitesse qui n’est pas celle de son orbite ; elle tend alors à se déplacer sur l’orbite correspondant à cette vitesse, en dérivant vers l’intérieur. L’orbite, c’est une trajectoire circulaire, à une distance donnée, autour de l’étoile. Et on dit que la poussière dérive « radialement » car selon un rayon.
On imagine que si elle dérivait doucement, le processus serait progressif, et que si elle dérivait vite, elle pourrait perdre beaucoup de poussière jusqu’à ne plus en avoir suffisamment pour former les planètes. De plus, l’effet de la force de friction sur les grains de poussière dépend de leur taille. Les très petits grains de poussière ressentent fortement la force de friction et sont très vite ralentis à la vitesse du gaz, jusqu’à suivre le gaz dans son mouvement et sur la même orbite. Un énorme rocher, quant à lui, ressent très peu la friction avec le gaz, il est peu ralenti, et reste sur sa propre orbite. A une dimension intermédiaire, l’effet de la friction est le plus sensible, en ce que la poussière est ralentie mais pas suffisamment pour suivre le gaz : c’est à cette étape que l’effet de changement d’orbite et de dérive vers l’intérieur est le plus fort. La dérive radiale est la plus marquée pour des poussières de l’ordre du décimètre. Ces grains sont ceux qui vont dériver le plus rapidement vers l’étoile. Ils peuvent dériver sur une durée de l’ordre de quelques centaines ou milliers d’années ; ce qui est très court, voire trop court, pour former un grand objet planétaire. Le problème de la barrière de la dérive radiale, c’est que toute la matière risque de se perdre dans l’étoile et qu’il n’y en ait plus dans le disque pour former des planètes.
2/ Le deuxième problème, c’est celui de la barrière de fragmentation. Les vitesses dites « relatives » des petits grains dépendent de leur taille. Les très petits grains ont une petite vitesse et s’agglomèrent entre eux sans heurt. Quand leur dimension augmente, leur vitesse de plus en plus grande, ce qui produit de plus en plus d’énergie cinétique lors des collisions, que la réorganisation de la matière ne suffira pas à dissiper. Il y a un seuil au-delà duquel, les grains, au lieu de se coller, se détruisent, se cassent, se refragmentent en de plus petits éléments, et annihilent le processus précédent qui avait fait croître les grains jusqu’à cette taille. C’est à une dimension de l’ordre du centimètre ou décimètre que cela arrive. Il y a parfois une réaction de rebond : les grains rebondissent au lieu de casser. Mais rebondir, ce n’est pas grossir, donc cela n’aide pas non plus à former une planète.
Face à ces deux barrières, il y a de l’incertain, et des solutions qui sont proposées.
1/ Une solution consisterait à ce que les poussières soient piégées localement dans le disque, empêchant leur dérive vers l’étoile. Ainsi confinées au même endroit, les grains s’agglomèrent, augmentent leur densité, diminuent aussi leur vitesse relative. La dérive est bloquée et la croissance facilitée. La fragmentation est également évitée car les grains restent à de faibles vitesses. D’après cette solution, la poussière piégée s’agglomère et se concentre spontanément sous forme d’anneau plus dense.
2/ Une autre proposition consiste à accélérer leur croissance de sorte à ce qu’ils croissent plus vite que leur dérive. Cela implique un phénomène qui était assez peu pris en compte avant : la porosité. Pour une même masse, les grains poreux croissent plus facilement que des grains compacts. Du fait d’une surface plus grande, ils vont ramasser plus de volumes voisins.
3/ Ensuite, il y a aussi les instabilités. La force de friction entre le gaz et la poussière peut être la source d’une instabilité de leur mouvement, précipitant une concentration de grains et en facilitant une croissance. Dans certaines conditions, en atteignant une masse critique dans un volume donné, un effondrement gravitationnel peut se produire. La gravité devient importante à ce niveau car c’est assez dense pour que les grains puissent s’effondrer et fabriquer rapidement des planétésimaux.
La recherche est actuellement très active sur ce sujet, en testant ces solutions, en cherchant si l’une d’elle est plus pertinente, ou si plusieurs peuvent s’entraider pour un résultat plus efficace.
Planètes rocheuses et gazeuses
D’après un entretien avec Johan Richard
Selon l’emplacement par rapport à l’étoile, il existe des planètes rocheuses comme Mercure, Vénus, la Terre et Mars (la lumière et la chaleur de l’étoile amènent le gaz à s’évaporer et il ne reste plus que la partie solide), et des planètes gazeuses, plus éloignées de l’étoile comme Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune (qui ont gardé leur atmosphère, une enveloppe de gaz autour d’un petit noyau rocheux).
Système solaire
D’après un entretien avec Guillaume Laibe
La distance au soleil varie selon les planètes : la Terre est à 150 millions de kilomètres, Mars à 230 millions de kilomètres, etc. C’est la durée des orbites, c’est-à-dire d’un tour autour du soleil, qui permet de comprendre la relation entre ces mesures. La Terre effectue un tour autour du Soleil en un an ; Vénus, en 0,6 année terrestre ; Jupiter 12 ans ; Saturne 29 ans. Les rapports de ces durées (fraction) sont des nombres entiers. Pendant que Jupiter fait 5 tours autour du Soleil, Saturne en fait presque exactement 2. Cette synchronie des orbites manifeste la logique d’interactions mutuelles qui s’accumulent entre les planètes : par résonances, l’énergie s’amplifie. Uranus fait 2 tours ; et Neptune, sur l’orbite externe, va revenir en même temps, et les deux vont se synchroniser à un point de passage.
Comètes
D’après un entretien avec Anastasios Gkotsinas
Comment les comètes se forment-elles ? Ce sont des objets très anciens, qui se sont constitués au moment de la formation du système solaire il y a environ 4,5 milliards d’années. Un nuage moléculaire, constitué de gaz et de poussières, s’effondre et commence à former un disque autour de l’étoile Soleil. C’est dans ce disque que des petits grains de poussière s’agglomèrent pour former des structures bien plus grandes qui vont éventuellement former les planètes de notre système solaire. Les comètes sont des objets issus de cette procédure : des vestiges de la formation planétaire, des agglomérats qui n’ont pas réussi à grandir suffisamment pour devenir des planètes. En général, elles ont une taille de quelques kilomètres (la majorité des comètes connues mesurent entre 1 et 20 kilomètres). Elles se sont formées loin du Soleil, dans une région assez froide du disque, où sont aujourd’hui situées les planètes géantes (Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune). C’est grâce à cette distance que les comètes ont pu retenir dans leurs noyaux des molécules volatiles telles que l’eau, le dioxyde et le monoxyde de carbone sous forme de glace. Ce sont ces glaces qui “subliment” quand une comète s’approche au Soleil : elles passent directement de la phase solide de la glace à la phase gazeuse, et créent une sorte d’enveloppe de gaz autour du noyau (on appelle cela le “coma”, du mot grec komi qui signifie la “chevelure”, par analogie formelle, on parle de “la chevelure de la comète”) avec une queue, qui apparaît sous la forme d’une traînée de fumée.
L’intérêt des comètes se trouve dans leur nature primitive, liée à leur formation et à leur conservation loin du Soleil : parce qu’elles ont été protégées de la chaleur au début de leur vie et donc de possibles altérations, leur étude permet d’avoir une vue des conditions initiales qui ont régné pendant la formation du système solaire.
D’où cette question à laquelle notre recherche tente de répondre : quel est leur degré d’altération aujourd’hui ? On essaie de déceler les grandes lignes de l’évolution des comètes, mais dans les observations, on ne parvient pas à un niveau de détail très important, car on ne sait pas si une caractéristique observée à un point donné est représentative d’une population ou bien seulement d’une comète en particulier. Nous cherchons surtout à identifier le type de glace et à mesurer la quantité de glace perdue dans le voyage d’une comète dans le système solaire. Par rapport aux simulations, on regarde si une comète, en moyenne, est plus ou moins altérée par rapport à ce que l’on attend. Nous observons comment l’érosion change la forme et comment le type de forme (plus ou moins saillante ou creuse) peut avoir des effets sur l’érosion.
Formation du régolithe
Rédigé par Marine Joulaud
Le régolithe se définit comme la couche, le manteau de débris provenant de la fragmentation (par action physique ou chimique de la roche sous-jacente, qui est la roche mère). Il est unique pour chaque corps planétaire. Sur la Lune ou sur Mercure, l’absence d’atmosphère fait que le processus principal de formation de régolithe est la cratérisation par des impacts assez puissants pour fracturer la croûte. Le régolithe est ensuite constamment remobilisé et labouré par des impacts de plus faible énergie. Il est aussi bombardé par les vents, les rayons solaires, les rayons galactiques et cosmiques.
Terre active
Rédigé par Stéphanie Durand
Nous sommes capables de voyager aussi loin que Mars et pour autant nous ne pouvons pas creuser plus profond que 12 km. Alors comment savoir de quoi est fait l’intérieur de la Terre ? Les éruptions volcaniques et les tremblements de terre témoignent de l’activité de la Terre sous nos pieds. Même si celle-ci est essentiellement faite de roches, elle est donc dynamique. De plus, ces manifestations ne se situent pas n’importe où sur Terre mais sont localisées à l’aplomb de frontières étroites, les limites de plaques tectoniques lesquelles sont mobiles à la surface de la Terre. Pour comprendre l’origine de ces mouvements tectoniques, il faut descendre sous l’écorce terrestre et comprendre comment s’est formée la Terre.
Lors de sa formation il y a 4,5 milliards d’années, la Terre a emmagasiné beaucoup d’énergie qu’elle perd depuis : la Terre se refroidit donc et pour évacuer cette chaleur, des mouvements de convection sont à l’œuvre dans le manteau terrestre qui s’étend de 2900 km à 30 km de profondeur. Ces mouvements de convection impliquent des mouvements de matériel mantellique et donc la présence d’hétérogénéités dans le manteau avec des endroits plus ou moins chauds et/ou avec des compositions variables.
On est capable de localiser ces hétérogénéités grâce aux ondes sismiques générées par les séismes qui peuvent voyager dans le manteau. Les ondes sismiques ont permis de révéler des régions où elles sont particulièrement ralenties souvent associées à des zones plus chaudes. C’est le cas par exemple sous l’Afrique où une zone plus chaude s’étend de la base du manteau, à 2900 km de profondeur, jusqu’à 1000 km de profondeur et d’où partent certains panaches de matériel chaud associés en surface à des volcans. Il y a aussi des régions du manteau où les ondes sismiques sont accélérées et qui sont associées à des régions plus froides. Elles sont localisées à des endroits particuliers, les zones de subduction où de la lithosphère océanique vieille et froide devient assez dense pour plonger dans le manteau. Parfois cette lithosphère océanique peut atteindre la base du manteau comme sous l’Amérique centrale.
Un peu comme le contenu d’une casserole d’eau en train de bouillir, le manteau terrestre est animé par des mouvements dits de convection, qui sont à l’origine de la tectonique des plaques, de séismes et du volcanisme observés en surface. Des panaches mantelliques de matériel très chaud et peu dense remontent depuis la base du manteau vers la surface grâce à la poussée d’Archimède. Lorsque ce matériel chaud arrive sous la surface, il peut fondre partiellement. Le magma qui se forme se propage ensuite vers la surface au travers de la lithosphère, où il est à l’origine de volcans, tels que le Piton de la Fournaise à l’Île de la Réunion ou encore le mont Kilauea à Hawaii. Ces remontées sont compensées par du matériel froid injecté dans le manteau au niveau des zones de subduction. Se forme ainsi des cellules de convection.
Le manteau n’est pas la seule région dynamique de l’intérieur de la Terre, le noyau externe liquide, fait d’un alliage de Fer et de Nickel principalement, est aussi en convection et est même à l’origine du champ magnétique qui nous protège des radiations solaires. Au centre de la Terre siège la graine, solide, aussi faite d’un alliage de Fer et de Nickel, qui par le refroidissement de la Terre cristallise et grossit de XX mm/Ma.
Différenciation
Rédigé par Jean-Philippe Périllat
Dans ses premiers temps, il y a 4,5 milliards d’années, la surface terrestre n’était pas si tranquille que les paysages limpides qu’on lui connaît aujourd’hui. Tout n’était que chocs, collisions. De massifs bolides, corps planétaires, astéroïdes attirés par sa gravité s’abattaient à sa surface, explosant en mille morceaux, éclaboussant les cieux d’une multitude de feux incandescents. Sous ces impacts, la surface et l’intérieur de la planète furent chauffés si forts que les minéraux et les roches se mirent à fondre, formant un véritable océan de magma recouvrant toute la surface terrestre, et s’étendant sur plusieurs milliers de kilomètres de profondeur. Notre planète bleue était alors une planète rouge, chauffée à vif, une boule de magmas en fusion. Dans cet océan, les matériaux les plus lourds, les métaux, entamaient leur plongée vers le centre de la Terre, et à l’inverse les roches plus légères, flottant telle l’écume, s’accumulaient en surface. L’eau, les gaz, volatils, s’évaporaient de cette mer de laves.
Puis le bombardement météoritique s’estompa, la planète se refroidît peu à peu, et cet océan se figea, cristallisa, se solidifia. De cette enfance tumultueuse, notre planète garde aujourd’hui sa structure en enveloppes, avec un noyau métallique, un manteau et une croûte de roches, silicates, alors que l’eau et les gaz forment son atmosphère. D’un état homogène, pubère, la Terre était devenue une planète singulière, différenciée.
Convection
Rédigé par Jean-Philippe Périllat
La Terre est une machine thermique, où la chaleur issue de sa formation et de ses minéraux radioactifs se dissipe lentement vers l’espace. Pour transporter cette chaleur, les roches de l’intérieur de la Terre se mettent en mouvement. Alors qu’à nos yeux elles apparaissent immuables et solides, les roches sont en réalité incroyablement plastiques et se déforment, se contorsionnent, à l’échelle des temps géologiques. Ici, plus chaudes, elles remontent vers la surface, en panaches. Elles épanchent leur chaleursous forme de laves. Là, devenues plus denses, elles replongent dans les entrailles de la planète. Ce ballet incessant, que l’on appelle convection.